Dr Vinh Ngo : “Sumer 2024 s’avère crucial pour la santé mentale au travail”
En tant que médecin du travail, je suis quotidiennement confronté à la souffrance silencieuse de nombreux travailleurs, victimes de risques psychosociaux (RPS). Stress chronique, harcèlement, violence, manque de reconnaissance… ces maux invisibles rongent leur quotidien, avec des conséquences parfois dramatiques sur leur santé physique et mentale, allant de l’anxiété et la dépression au burn-out, à l’absentéisme, à la perte de productivité, voire au suicide.
C’est pourquoi l’année 2024 revêt une importance capitale. Nous attendons avec impatience les résultats de la nouvelle enquête Sumer, véritable baromètre de la médecine du travail à Paris et en France. Cette enquête nationale, menée tous les 7 ans, nous permet de dresser un état des lieux précis de l’exposition des salariés aux risques professionnels, y compris les RPS, et d’orienter les politiques de prévention.
Sumer a su évoluer au fil des années pour mieux appréhender ces risques complexes. Si dès 2003, elle intégrait des questions sur le stress et l’intensité du travail, l’enquête a connu une avancée significative en 2010 avec l’introduction du questionnaire de Karasek, permettant d’évaluer la tension au travail, un facteur de risque majeur pour la santé. En 2017, Sumer a franchi une nouvelle étape en incluant des questions sur le manque de reconnaissance, les comportements hostiles et les agressions, offrant ainsi une vision plus complète et nuancée des RPS.
Les résultats de la dernière enquête, en 2017, étaient alarmants et ont mis en lumière l’ampleur du problème :
- Près d’un salarié sur cinq déclarait un manque de reconnaissance au travail, un sentiment d’injustice et de dévalorisation pouvant avoir des conséquences dévastatrices sur l’estime de soi et la motivation.
- 10% des travailleurs rapportaient des comportements hostiles de la part de collègues ou de supérieurs, créant un climat de travail délétère, source d’anxiété et de souffrance.
- Plus inquiétant encore, près de 30 % des salariés se trouvaient en situation de tension au travail élevée, véritable bombe à retardement pour leur santé physique et mentale, augmentant considérablement le risque de maladies cardiovasculaires, de troubles musculo-squelettiques et de burn-out.
La nouvelle édition de Sumer en 2024 est donc cruciale. Elle nous permettra non seulement d’évaluer l’impact de la crise sanitaire sur la santé mentale des travailleurs, mais aussi d’identifier les nouvelles formes de risques émergentes liées aux transformations du monde du travail, telles que le télétravail, l’intensification du travail ou la précarisation de l’emploi.
Ces données précieuses guideront les politiques de prévention, permettront aux entreprises d’adapter leurs pratiques et favoriseront un environnement de travail plus sain et respectueux. La formation des managers, la sensibilisation des salariés, la mise en place de dispositifs d’alerte et d’accompagnement, le développement de la culture du dialogue social… autant de leviers à actionner pour lutter contre les RPS.
En tant que médecin du travail, je suis convaincu que Sumer est un outil indispensable pour construire un monde du travail plus humain. En levant le voile sur l’ampleur des RPS, cette enquête nous incite à agir collectivement pour protéger la santé et le bien-être de tous les travailleurs. C’est un enjeu majeur pour notre société, et nous ne pouvons plus l’ignorer. Les résultats de Sumer 2024 nous permettront de mieux comprendre et prévenir ces risques, et de faire un pas de plus vers un avenir du travail où chacun peut s’épanouir et donner le meilleur de lui-même, sans mettre en péril sa santé.
Plus d’informations sur les centres de médecine du travail.
Dr Vinh Ngo, expert en médecine du travail et directeur général du CIAMT.
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